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Le Grand Projet Ruban Rose : interview 1 an aprèsEn janvier 2025, l’Association Ruban Rose lançait le Grand Projet : une étude de grande ampleur menée sur trois ans, ayant pour objectif de réduire les inégalités territoriales face au cancer du sein.
Mené dans la région des Hauts-de-France, ce projet s’appuie sur un constat préoccupant : la mortalité par cancer du sein y est 25% plus élevée que la moyenne nationale, avec plus de 1 260 décès chaque année (source : Agence Régionale de Santé).
L’étude, financée sur trois ans pour un montant total de 1,5 millions d’euros, vise à identifier les causes de ces disparités territoriales et à formuler des recommandations concrètes, basées sur une approche scientifique rigoureuse.
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Presque un an après le lancement, nous sommes allés à la rencontre du Pr Nicolas Penel et du Dr Lara-Maria Wakim, en charge de ce Grand Projet.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre rôle au sein de ce projet ?
Lara-Maria Wakim
Je suis docteur en environnement et santé, j’ai fait une thèse sur l’effet/l'impact de l'environnement sur la santé. Pour le grand projet de Ruban Rose, j'ai un rôle de cheffe de projet : je fais l’interface entre les différentes équipes de recherche pour que nous puissions nous assurer d’un travail en complémentarité.
Nicolas Penel
Je suis professeur de cancérologie à l’Université de Lille et médecin chimiothérapeute.
Avec le Pr Christine Le Clainche, nous avons répondu à l’appel à projets de Ruban Rose il y a un an.
Pour le Grand Projet, je suis garant de la coordination scientifique. C'est-à-dire que je vérifie que les analyses effectuées ont du sens, je réponds aux questions techniques sur le cancer du sein, sur l'épidémiologie, sur des notions de facteurs de risques.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler pour ce projet ?
Lara-Maria Wakim
Je trouve le sujet fascinant : le cancer du sein est la première cause de décès par cancer chez la femme, mais nous manquons encore de données pour comprendre les différences de mortalité selon les régions. J’ai moi-même été étonnée de découvrir cette surmortalité dans les Hauts-de-France, et je suis heureuse de contribuer à combler cette lacune scientifique.
Le projet est aussi très motivant car il permettra, grâce aux analyses, de mettre en place des actions concrètes pour réduire ces inégalités.
Nicolas Penel
Le cancer du sein est un exemple, mais malheureusement, dans la région dans laquelle je travaille il y a une surmortalité pour la plupart des cancers. C’est profondément injuste et surprenant d’observer des inégalités au sein même de la France métropolitaine où on pourrait s’attendre à une égalité face à la maladie. Participer à ce projet est donc très motivant, car il permettra d’apporter des réponses et donc, des solutions.
Comment menez-vous concrètement vos recherches ?
Nicolas Penel
Ce Grand Projet comprend deux grandes phases. La première consiste à exploiter les données déjà disponibles : nous les collectons, les analysons, les harmonisons et échangeons avec les équipes qui les détiennent. Pour le moment, nous n’avons eu que des retours positifs ce qui est très motivant !
La deuxième phase consiste à créer de nouvelles données, grâce à des enquêtes menées à la fois auprès des patientes et des médecins.
Lara-Maria Wakim
En effet, nous allons adresser un questionnaire à 500 patientes dans une quarantaine de centres, pour analyser en détail les délais entre les premiers symptômes et le traitement pour cancer du sein dans les Hauts-de-France. En deux semaines, une vingtaine de centres ont déjà accepté de participer, soit la moitié de l’objectif : un excellent début !
Une deuxième enquête sera menée auprès des médecins (généralistes, gynécologues et sages-femmes) afin d’identifier les obstacles au dépistage et au diagnostic — qu’ils soient liés à la pudeur, à la religion, à la situation économique ou à d’autres facteurs — et de recueillir leur point de vue sur la surmortalité dans la région des Hauts-de-France.
Avec quelles autres disciplines ou équipes collaborez-vous ?
Lara-Maria Wakim
Chaque “bloc” du Grand Projet (appelés Work Package) mobilise des expertises différentes :
- Des biostatisticiens et experts en extraction de données recueillent les données hospitalières nationales sur les patientes (Work Package 1). Cette même équipe sera également chargée de l’enquête auprès des médecins (Work Package 4)
- Des statisticiens réalisent des cartes et des analyses statistiques sur l’incidence, la mortalité et le dépistage, en les reliant à des facteurs économiques ou environnementaux (Work Package 2)
- Des environnementalistes spécialisés en environnement et santé recensent les facteurs environnementaux pouvant influencer sur le cancer du sein et rassemblent les données régionales pour les comparer aux données nationales (Work Package 2)
- Une économiste de la santé conçoit le questionnaire destiné aux patientes, interprète les résultats issus et les analyses à base des objectifs du projet (Work Package 3)
Il est important de souligner que les équipes travaillent ensemble et de façon complémentaire. Les résultats préliminaires sont partagés afin de discuter collectivement des méthodes et des analyses, ce qui permet à chacun d’apporter son expertise.
Avez-vous fait des découvertes sur le sujet après cette 1ère année ?
Nicolas Penel
Il est encore trop tôt, mais nous avons eu une piste…qui nécessite d’être validée.
Lara-Maria Wakim
L’étude étant toujours en cours, nous ne pouvons pas encore partager de résultats. Mais en guise de teasing, nous avons déjà produit des cartes d’incidence, de mortalité et de dépistage qui révèlent des informations intéressantes… et certaines de nos hypothèses initiales commencent déjà à se confirmer.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Lara-Maria Wakim
Nous venons de soumettre le protocole du questionnaire destiné aux patientes. Une fois validé, il sera transmis au Comité de Protection des Patientes*, qui mettra environ 3 à 4 mois pour donner sa réponse.
En parallèle, nous recrutons des centres pour participer à l’enquête ; dès qu’ils acceptent, nous pourrons contacter les patientes et leur proposer le questionnaire en ligne. La collecte et l’analyse des données devraient ensuite prendre entre 8 et 10 mois.
Nicolas Penel
En mars, nous présenterons au comité scientifique de Ruban Rose les résultats des Work Packages 1 et 2, notamment les cartes d’incidence, de mortalité et de dépistage.
*Le CPP, Comité de Protection des Patients, veille notamment à protéger l’anonymat des patientes. Pour le Work Package 3, le questionnaire et le protocole doivent être validés par le CPP avant de pouvoir être lancé.
Un mot pour la fin ?
Nicolas Penel
Je souhaite remercier Ruban Rose, car sans son appel à projet, tout cela n’aurait probablement jamais eu lieu. Il y a beaucoup de ressources humaines mobilisées sur ce projet, et la recherche demande énormément de temps : merci de nous donner les moyens de répondre à la question de la surmortalité par cancer du sein dans les Hauts-de-France !
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